La pensée fondée sur l’amour
par Gerrit Gielen
Tout dans la nature est soumis à un rythme. Pensez aux saisons, par exemple, ou à l’alternance du jour et de la nuit. Ce rythme fait partie de la nature et, pour nous, il va de soi. Le déploiement naturel de la vie n’est possible que grâce aux rythmes. Sans nuit, notre Terre se réchaufferait et deviendrait un désert brûlant et sans vie, et sans jour, elle serait glacée. Les deux sont nécessaires à l’évolution et à la croissance de la vie.
Le fait que notre vie intérieure soit elle aussi soumise à un rythme est moins évident pour nous. On y trouve là aussi une alternance de lumière et d’obscurité. Des périodes de lumière, où tout fonctionne harmonieusement, alternent avec des périodes difficiles de peur, de colère, de désespoir et de doute. Mais ces périodes ont aussi leur raison d’être. De même que toute vie sur Terre se développe grâce à l’alternance de lumière et d’obscurité, nous les humains grandissons également grâce à ces variations. Les périodes difficiles, notamment, se révèlent souvent avec le recul extrêmement riches d’enseignements, sources de croissance et d’approfondissement intérieurs.
Parfois cependant, l’équilibre semble rompu. L’obscurité prend le dessus et nous perdons notre connexion à la lumière ; il nous semble impossible qu’elle puisse revenir un jour. La nuit ne cède plus la place au jour ; l’obscurité semble permanente. Le rythme naturel de la vie s’arrête, et il n’y a plus de rythme, plus de croissance, seulement une stagnation.
Comment cela se fait-il ? Pourquoi nous arrive-t-il parfois de ne pas suivre le rythme naturel de la vie et de rester bloqués dans la phase d’obscurité ?
Dans cet article, je souhaite démontrer que ce sentiment d’être bloqué dans l’obscurité est souvent causé par une façon erronée de penser ; que lorsque notre pensée est fondée sur la peur, nous prolongeons artificiellement l’obscurité dans notre vie. Je souhaite également montrer ce que nous pouvons faire pour y remédier et comment nous pouvons apprendre à penser en étant guidés par l’amour. Penser en étant guidé par l’amour est la façon naturelle de penser, en adéquation avec le rythme de la vie, et cela stimule la croissance intérieure.
Notre processus de pensée
Nous avons une multitude d’idées et d’opinions sur le monde qui nous entoure, et nombreuses sont celles qui ne viennent pas de nous-mêmes, mais qui nous sont transmises par le monde qui nous entoure : par les journaux, la télévision, Internet et toutes les personnes que nous rencontrons et qui sont souvent fin prêtes à donner immédiatement leur avis sur tel ou tel sujet.
Notre pensée commence toujours par des suppositions sur le monde qui nous entoure. On peut comparer cela aux mathématiques, où l’on part d’un certain nombre d’hypothèses : des principes que l’on ne peut pas prouver. À partir de là, on utilise la raison. On peut, par exemple, supposer que la distance la plus courte entre deux points est une ligne droite, ce qui nous amène à la géométrie classique. Si l’on suppose que ce n’est pas le cas, on obtient une autre forme de géométrie utile : la géométrie non euclidienne, qui s’avère précieuse dans l’astronomie moderne.
Notre processus de pensée est comme les mathématiques. Si l’on regarde attentivement l’origine des avis des gens, on constate que ces avis sont basés sur un certain nombre de suppositions qui sont considérées comme vraies. De manière générale, une idée peut toujours être ramenée soit à la peur soit à l’amour.
La pensée fondée sur la peur
Penser en étant guidé par la peur entraîne toujours une vision dualiste de la réalité. Une chose ou une situation est bonne, l’autre est mauvaise, et nous devons être vigilants à l’égard de cette mauvaise chose ou situation. Cette vision de la réalité rend notre monde peu sûr.
Admettons que nous nous sentions menacés par un groupe de personnes. Nos pensées vis-à-vis de ces personnes commencent alors à être guidées par la peur. Notre façon de penser a alors tendance à mettre l’accent sur les différences : ces personnes ont une religion différente ou bien d’autres règles et d’autres valeurs. Et elles veulent nous imposer leurs règles et leurs valeurs, elles sont donc dangereuses. Cette façon de penser entraîne une croyance dans la dualité, ce qui ne fait que confirmer et amplifier la peur initiale.
Et que se passe-t-il en nous du fait de cette façon de penser ? La peur initiale irrationnelle devient une vision du monde définitive. Avec l’aide de notre processus de pensée se met en place une immense structure de pensées, de significations et de « faits » qui crée une demeure permanente pour la peur. Cette structure commence à jouer en nous le rôle d’un filtre à travers lequel nous percevons la réalité : tout ce qui est en accord avec cette peur est perçu de façon amplifiée, et nous ne voyons plus le reste.
Par cette façon de penser, notre monde intérieur se remplit de « châteaux de pensée ». Et à cause de ces châteaux de pensée, il devient presque impossible de reconnaître la peur initiale qui constitue les fondations de la construction. Cette peur est cachée derrière une « architecture » d’opinions et de concepts qui la valident et la soutiennent. Cependant, les vrais habitants de cette structure sont la peur et la colère. Lorsque ce type de château est présent, l’énergie ne circule plus ; la lumière et la vie disparaissent de notre monde intérieur. Nous émanons l’inflexibilité et la partialité, et notre évolution intérieure stagne.
Un exemple tangible peut clarifier cela. Imaginons une femme qui éprouve une certaine peur vis-à-vis des hommes. C’est à partir de cette peur qu’elle va penser aux hommes, les percevoir et interpréter leur comportement. Elle va ainsi en conclure que les hommes ne sont pas fiables, qu’ils sont dominateurs, violents et superficiels. Cette façon de penser non seulement influence ses relations avec les hommes, mais la conduit également à réprimer sa propre part masculine. Elle ne reconnaît pas les aspects positifs de l’énergie masculine, comme le dynamisme, l’affirmation de soi et la détermination. Penser de cette façon porte préjudice à sa capacité de défendre ses propres intérêts et de poser sciemment des limites. Ses qualités féminines d’empathie et de sensibilité peuvent être « surdéveloppées », ce qui peut l’affaiblir et l’épuiser. Par conséquent, elle percevra le monde qui l’entoure comme encore plus masculin et hostile. Et ses peurs la domineront encore plus.
Voilà comment le fait de penser en étant guidé par la peur conduit à une spirale négative qui s’entretient elle-même : on commence à penser à partir de la peur, et cette façon de penser conduit à une vision dualiste des choses. Une vision du monde, un « château de pensée », est créé, cachant la peur initiale et rendant difficile le fait d’y faire face avec honnêteté et amour. Penser en étant guidé par la peur bloque la circulation naturelle de l’énergie et réprime quelque chose en nous. Cette vision dualiste du monde finit par se répercuter sur nous et renforce la peur.
La pensée fondée sur l’amour
Lorsque l’on commence à penser en étant guidé par l’amour, on prend conscience de l’unité intérieure de toute chose. Lorsque l’on regarde des personnes de cultures différentes avec amour, par exemple, on ne voit plus les différences, mais essentiellement les points communs. On se rend compte que ces personnes aspirent également à avoir une famille heureuse et un bon travail. Elles aussi veulent le meilleur pour leurs enfants et souhaitent avoir des relations harmonieuses avec les autres. Les différences sont seulement extérieures.
Les avis tranchés et francs sont souvent le signe d’une certaine dualité : ceci est bien, cela n’est pas bien. Derrière ces opinions se cache la peur. Les opinions exprimées à partir de l’amour sont beaucoup plus douces et nuancées. Elles font toujours preuve de compréhension vis-à-vis de ce qui est différent et soulignent l’unité intérieure et la connexion qui existent. À un niveau profond, l’univers ne fait qu’un ; à un niveau profond, l’humanité ne fait qu’un.
Au lieu de construire des châteaux de pensée pour nos peurs, nous pouvons concentrer notre attention sur nos peurs. Nous pouvons utiliser notre pensée pour regarder à travers l’architecture, casser les murs et faire face à la peur. Les peurs sont comme des enfants qui ont manqué d’amour. Ces enfants ne veulent pas de « châteaux » pour se protéger, ils aspirent à de la chaleur, de l’amour et de la reconnaissance. Ils veulent être vus et attendent impatiemment la lumière.
L’amour est la puissance qui relie l’exclu à l’unité.
Notre monde intérieur n’est pas séparé du monde extérieur. Tout fait partie de la même unité. Lorsque l’on pense aux autres avec amour, l’amour circule vers eux. Ils sont touchés par cet amour et cela peut les influencer et les changer. La réalisation de l’unité intérieure de toute chose réside au plus profond de chaque créature vivante. En émanant l’amour, vous touchez cette connaissance et l’activez. L’amour dissout la dualité, à la fois dans votre monde intérieur et dans votre monde extérieur.
C’est la raison pour laquelle le Christ dit : « Aimez vos ennemis. » Car l’amour transforme vos ennemis en amis. C’est le cas à la fois pour les ennemis à l’extérieur de nous et pour les ennemis à l’intérieur de nous : la peur et la colère.
Apprendre à penser en étant guidé par l’amour : conseils pratiques
Passer d’une façon de penser fondée sur la peur à une façon de penser fondée sur l’amour n’est pas simple, car la peur a toujours tendance à déplacer son attention vers l’extérieur : vers l’objet de notre peur.
Imaginons que nous ayons peur d’une araignée. Nous portons alors toute notre attention sur l’araignée, qui est à l’extérieur de nous, et pas sur la peur elle-même. Au lieu de nous poser calmement avec notre peur, nous concentrons notre réflexion sur la recherche de solutions pour éliminer l’araignée, pour éviter que d’autres araignées n’entrent chez nous à l’avenir, etc.
Les choses sont encore plus difficiles si nous avons construit tout un château de pensée autour de notre peur, ce qui nous empêche presque totalement de la ressentir, car elle se cache derrière des murs d’opinions et d’idées.
Voici un plan d’action qui pourrait vous aider.
1) Tenez-vous prêt à regarder vos peurs avec honnêteté. Soyez prêt à accepter que derrière une grande partie de vos opinions et de vos idées se trouvent de la peur et/ou de la colère. Cette étape est très difficile. Posez-vous la question suivante : « Se pourrait-il qu’une grande partie de mes idées, que je proclame avec une certitude absolue depuis des années, soient basées sur la peur et la colère, et non sur l’amour ? Trouver le courage de déceler une réponse honnête à cette question est la première et la plus grande étape.
2) Si vous êtes prêt à accomplir l’étape précédente, alors trouvez un moment de calme et portez votre attention à l’intérieur. Essayez de ressentir votre peur. Dirigez votre attention sur votre ventre, où se cachent généralement les émotions négatives, et dites : « Montre-toi, tu as le droit d’être ici. » Restez silencieux et imaginez que des enfants effrayés ou en colère sortent de l’obscurité et s’avancent lentement vers vous. Laissez l’amour circuler vers eux et accueillez-les.
3) Pensez à des opinions et des idées que vous soutenez avec une certaine véhémence ; cela peut être à propos du monde, des personnes qui vous entourent, de votre relation – peu importe. Imaginez maintenant qu’une autre personne vous fasse part de cette même opinion. Et ne faites pas attention à ce qu’elle dit, mais plutôt à ce qu’elle dégage. Est-ce de l’amour, ou autre chose ? L’énergie provient-elle de son cœur, ou d’un autre endroit ? Et s’il s’agit d’autre chose que de l’amour, de quoi s’agit-il ?
Examinez cela, et observez également avec attention la personne que vous avez choisie pour exprimer votre opinion. Qui est-ce, et pourquoi avez-vous choisi cette personne ? Ce choix a également un sens. Vous pouvez aussi faire cet exercice en vous choisissant et en vous observant de loin en train d’exprimer cette opinion. Quelle énergie émanez-vous ?
En répétant régulièrement les étapes ci-dessus, nous pouvons petit à petit dissoudre les blocages intérieurs qui perturbent le rythme naturel de nos vies, les châteaux de pensée. Un château de pensée fonctionne comme un barrage qui bloque le flux naturel de la rivière de notre vie. Si nous éliminons le barrage, la vie et la lumière peuvent à nouveau s’écouler.
Les périodes d’obscurité font partie de la vie, et le flux de la vie nous ramène de lui-même vers la lumière. Mais pour être capables de suivre ce courant, nous devons être prêts à faire face aux ténèbres à l’intérieur de nous, avec honnêteté et amour. C’est la puissance de la pensée fondée sur l’amour.
© Gerrit Gielen
Traduit de l’anglais par Florence Clavel (florenceclavel@fctraduction.fr)
One thought on “La pensée fondée sur l’amour”
Merci Gerrit pour cette belle analyse,vision nous devons rester vigilants et attentifs pour ne pas nous tromper sur l origine de nos émotions et bien ressentir ce qui se passe dans ce que nous propose la vie à expérimenter salutations et